Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
14 septembre 2014 7 14 /09 /septembre /2014 22:52

C'est le titre de ma dernière étude pour la revue désormais annuelle d'herméneutique traditionnelle La Règle d'Abraham (N° 35, 2013), dans laquelle je tente d'établir à l'aide de documents textuels ou iconographiques jamais ou très rarement publiés dans ce contexte, la possible fonction initiatique de la "triple enceinte" évoquée en son temps par René Guénon. Les lecteurs de ce Blog jugeront par eux-mêmes de la valeur de cette hypothèse et des arguments qui me paraissent pouvoir la justifier en commandant directement la revue chez son nouvel éditeur: http://ubik-editions.com, ou à l'adresse postale suivante: Ubik éditions, 57, Allées Gambetta, 13001 Marseille.

LA TRIPLE ENCEINTE INITIATIQUE AU REGARD DES SOURCES DOCUMENTAIRES
Partager cet article
Repost0
25 septembre 2013 3 25 /09 /septembre /2013 13:30
LES PSEUDO-TEMPLIERS DOMMOIS A CADOUIN

L'association "Les amis de Cadouin" fondée en 1988 sous l'impusion de Gilles et Brigitte Delluc pour la sauvegarde et la valorisation de l'abbaye et du village de Cadouin en Périgord, a accueilli au cours de son colloque consacré aux Templiers (2012), deux interventions présentant une synthèse de mon dossier sur les fantaisies templières dommoises, déjà connue des internautes. Les actes de ce XIXe colloque proposent l'intégralité des conférences suivantes:

  • Jean-Luc Aubarbier, Les templiers étaient-ils coupables?
  • Richard Bordes, Rapports chimériques entre Manichéens, Cathares, Templiers et Francs-Maçons aux XVIIIe-XIXe siècles.
  • Jean Rigouste, La cryptographie templière et l'énigme du Baphomet.
  • Serge Avrilleau, Les graffitis de la porte des tours à Domme sont-ils authentiques?
  • Hervé Poidevin, La légende templière dommoise, une superstition pseudo-scientifique.
  • Brigitte et Gilles Delluc, Les bas-reliefs des oubliettes de bourdeilles, château de Philippe le Bel.

Les actes du colloque sont disponibles en téléchargement gratuit sur le site de l'association: http://www.amisdecadouin.com/les-actes-des-colloques/actes-2012 ou peuvent être commandés par courrier à l'adresse suivante: LES AMIS DE CADOUIN, Mairie annexe, Place de l'abbaye, 24480, Cadouin.

Partager cet article
Repost0
18 avril 2013 4 18 /04 /avril /2013 16:29

L'ASPAG poursuit très heureusement l'oeuvre de Serge Ramond et c'est en hommage à ce dernier que le dernier colloque "Graffiti Anciens" s'est tenu à Paris les 24 et 25 mars 2012 dans la mairie du XIe arrondissement, sous l'égide de Marie-Thérèse Ramond et la présidence de Christian Colas.

 

 

 couv-actes-retouche-copie-1.jpg

 

 

 

Les actes de ce colloque, qui viennent d'être récemment édités, proposent l'intégralité des conférences de: Jean-Pierre Bozellec (Les châteaux de la Loire: une mine d'or pour les graffiti anciens), Marie-Claude et Jean-Pierre Aufret (Les guerriers médiévaux sur les roches et les murs: même combat), Milchel Leblond (Xylographie, glyptographie: les graffiti historiques sur le mobilier et les charpentes des édifices anciens), Juilien et Matthieu Ramond (Les graffiti 14-18 des Sammies de Noyer-sur-Cher, Loir-et-Cher), Claire Guinchat (les graffiti vus par les écrivains. Au fil de la plume, au fil des mots), Christian Colas (Paris-Vincennes: graffiti historiques de la Renaissance à la Commune de Paris), Jean-Etienne Laporte (Les graffiti de l'église de Martizay, Indre), Jean-Mary Couderc (Géographie, sociologie et psychologie des graffiti et tags muraux, 1982-2012, Caen, Paris, Berlin), Philippe Rigaud, Cécile Salaun, Jean-Marie Strangi (Naus et Galeas: deux flottes tardo-médiévales aux murs du château de Tarascon, Bouches-du-Rhône. Etat des recherches), Nicolas Melard, Virginie Motte-Ceglarski (Le Lascaux des graffiti. Etude archéologique du château de Selles à Cambrai, Nord), Gilles Thomas (Graffiti anciens et souterrains de Paris), Luc Bucherie (Visions glyptographiques de la Belle Epoque), et de moi-même (La Triple Enceinte comme figure du Temple céleste).

Cette dernière conférence offre une synthèse historique des recherches sur le symbole de la "triple enceinte" et des éléments documentaires et archéologiques qui permettent d'en supposer l'origine médiévale ainsi que  d'en affirmer son sens général de Temple-cité céleste  dans la pensée de l'époque.

Les lecteurs intéressés par cette publication peuvent la commander à l'adresse suivante:

 

Musée Serge Ramond

"La mémoire des murs",

60550, Verneuil-en-Halatte.

Site: www.memoiredesmurs.com

 

Partager cet article
Repost0
4 août 2012 6 04 /08 /août /2012 00:48

Le numéro 33 de la règle d'Abraham vient de paraître. Il propose la suite de mon introduction à une iconologie des tarots, toujours envisagée dans la perspective du milieu médiéval qui les a vus naître. Les lecteurs intéressés par cette nouvelle étude, dans le cadre éditorial d'une revue consacrée à l'herméneutique traditionnelle relative aux trois religions monothéistes (directeur de la publication: Patrick Geay), peuvent se rendre sur le site de l'éditeur-diffuseur: http://editionsarche.com. Le site de la revue propose par ailleurs des sommaires et des études en ligne sur:

http://regle-abraham.com.

 

regle-33.-retouche.jpg

Partager cet article
Repost0
4 janvier 2012 3 04 /01 /janvier /2012 23:27

Ce numéro de La règle d'Abraham, revue d'herméneutique traditionnelle consacrée principalement à l'étude des trois traditions monothéistes et qui fête à cette occasion son 15e anniversaire, vient de paraître (directeur de la rédaction: Patrick Geay). J'en fais mention ici car il comporte une étude de l'auteur de ces pages, qui se veut une approche herméneutique des emblèmes du tarot dans la perspective spécifiquement médiévale qui les a vus naître. Le lecteur intéressé par cette publication peut se rendre sur le site de la revue: http://www.regle-abraham.com, ou sur le site de l'éditeur-diffuseur: http://editionsarche.com

 

regle-couv-retouche.jpg

 

regle-somm-retouche.jpg

Partager cet article
Repost0
1 décembre 2011 4 01 /12 /décembre /2011 15:24

Le lecteur de ce blog n'ignore plus aujourd'hui qu'un certain discrédit touche les travaux glyptographiques effectués par le chanoine Tonnellier à Domme et ailleurs. Ces pages s'en sont fait un écho partiel, et puisqu'il semble que décidément les preuves déjà avancées de l'irrégularité scientifique des estampages réalisés notamment dans la Porte des Tours il y a plus de quarante ans par l'ecclésiastique, n'aient pas suffi à ce jour à provoquer dans les milieux concernés l'examen d'un dossier pourtant bien lourd, il semble qu'une courte synthèse des éléments, hélas catégoriques, plaidant en défaveur des travaux de M. Tonnellier soit donc plus que jamais nécessaire.

Il convient en premier lieu de rappeller brièvement qui était l'homme dont nous sommes quelques-uns à douter fortement de la rigueur intellectuelle en matière de glyptographie. Et de préciser que le caractère inévitablement polémique de la mise au point qui va suivre ne sera, de toute évidence, exclusivement retenu que par ceux qui persistent contre toute raison à refuser l'examen d'un dossier dont les obscurités avérées ne sont pas, encore à ce jour, valablement réfutées... Faut-il encore répéter qu'un semblable débat de fond ne s'inscrit que dans une classique démarche d'examen critique des sources, à la base de toute recherche historique et donc a fortiori glyptographique? Et le Chanoine Tonnellier constitue bien la source unique de la thèse de l'origine templière des graffiti de la porte des Tours à Domme, thèse dont il convient donc de vérifier la validité par l'examen aussi neutre que possible des raisons avancées par son initiateur. Puisque ces raisons sont fondées sur des éléments graphiques apparaissant sur des estampages fortement sujets à caution, exposées en outre nous allons le voir, selon des méthodes d'interprétation quelque peu aventureuses en matière de symbolique médiévale (c'est hélas un doux euphémisme) et sur la foi aujourd'hui de données historiques inexistantes contrairement à tout ce qui a pu être écrit, on me permettra de ne pas douter de la légitimité de la présente démarche, visant seulement à rétablir les faits concernant ces divers points, et rien d'autre.

 

graal-serge.jpg

 

Fig. 1: graffiti de la Porte des tours à Domme. A droite, en haut, la figure schématique supposée représenter le graal selon le chanoine Tonnellier. En bas, schéma de calvaire arborescent sensé évoquer la Ménorah hébraïque (cliché: Serge Avrilleau. Source: http://Jambertie.blog4ever.com).

 

 

GRAVURES INVISIBLES ET CONTRE-VERITES HISTORIQUES

 

Paul-Marie Tonnellier (1886-1977) fut un prêtre saintongeais dont l'érudition en histoire et en archéologie s'exprima à travers une bibliographie de plus de cinquante titres, comportant notamment de nombreuses monographies sur les églises de sa région. Il fut un membre assidu de toutes les sociétés savantes de Charente-Maritime, mais surtout l'initiateur, l'un des fondateurs et le premier directeur de l'Académie de Saintonge, dont il sera membre de 1957 à sa mort. Cette institution connaîtra une très forte impulsion sous la direction du chartiste Jean Glénisson qui lui donnera, entre 1982 et 1991, une audience  et une notoriété jamais connues, ce dont témoigne par exemple  la présence en son sein de l'historien médiéviste Jean Favier, titulaire de 1984 à 1999 du 25e siège de l'Académie (1). Le chanoine Tonnellier connut quant à lui sa véritable consécration peu d'années avant sa mort, par la reconnaissance unanime de ses thèses en matière d'interprétation glyptographique (à Gisors et à Domme) publiées dans les pages de la revue Archéologia au tout début des années soixante-dix (2). Il semble que la question templière l'ait en cette matière particulièrement préoccupé, puisqu'il s'en instaura expert à Gisors et à Chinon, deux sites auxquels il dénia justement toute attribution templière concernant les principaux graffiti, avant de se faire l'inventeur et le propagateur de la thèse templière d'une grande partie des gravures de la Porte des Tours à Domme, thèse qui constitua pour ainsi dire son grand oeuvre et restera la base indiscutée de toute interprétation future du site.

Il n'y aurait en soi évidemment aucune objection à un tel succès public si l'examen impartial des travaux du chanoine ne révélait pas en fait tout autre chose que ce qu'il prétendit y voir lui-même... et qu'il prétendit nous y faire voir. Force est en effet de constater que ce dernier a toujours vu justement, par estampage interposé, des éléments graphiques que personne n'avait jamais vus sur les murs... ni, fait très singulier, ne verrait jamais plus... Eléments graphiques toujours très révélateurs et dont ses estampages repassés au stylo devenaient ainsi les seuls et uniques témoins pour la postérité. Il en a été ainsi à Domme, Gisors, Chinon, St-Emilion et même semble-t-il, Vaux-sur-Mer.

Je ne sais comment il parvint à imposer dans les milieux scientifiques l'idée fantastique selon laquelle sa technique de relevé (effectuée au moyen d'un buvard humide) était si implacable qu'elle permettait de mettre au jours des registres de gravure trop ténus pour être visibles à l'oeil nu, même sous éclairage rasant, ou pour apparaître sur une empreinte effectuée à la plastiline, mais il en fut ainsi; il en fut donc ainsi également des révélations graphiques souvent prolifiques faites par l'entremise de ce quelque peu miraculeux papier buvard, mais surtout d'un stylo plus miraculeux encore puisqu'il repassait les creux du papier pour en déterminer la lecture (et c'est sans aucun doute là que le bât blesse), révélations qui toutes prétendaient mettre enfin un terme à des énigmes glyptographiques jusqu'alors scellées, dont l'ecclésiastique devenait ainsi le lumineux et définitif interprète, assumé par tous, sans qu'aucun regard critique n'ait jamais été posé sur cet étrange phénomène plusieurs fois répété et il faut bien le dire, unique en son genre (3). Il n'était pourtant pas le seul à utiliser cette technique de l'estampage, mais il semblerait que les siens seuls fussent doués de la vertu si exemplaire de voir disparaître des murs certaines gravures sitôt le relevé effectué. Certains chercheurs tout de même (qui ne croyaient pas au caractère si implacable de la méthode) s'émurent de cette obstination des monuments à ne pas vouloir montrer ce que l'estampage du chanoine prétendait reproduire à l'identique; ainsi Serge Ramond, nous l'avons vu, mais aussi le professeur Raymond Mauny, dont l'honnêteté intellectuelle et la circonspection en matière glyptographique n'étaient plus à démontrer (il démasqua le faussaire Yvon Roy à Chinon et émit d'importantes réserves concernant l'attribution templière des graffiti du site), qui cependant ne fit part de son étonnement que privément, dans une courte lettre à en-tête de l'université Paris I, adressée en 1972 à Serge Avrilleau, et dont voici  la transcription:

"Mon cher ami,

J'ai besoin d'un renseignement d'urgence: le nom et l'adresse du chef de la Circonscription archéologique (Antiquités historiques dont dépend la Dordogne).

Le chanoine Tonnellier, qui s'est occupé comme vous le savez des inscriptions des Templiers de Domme (qu'il a publiées dans Archéologia N°32, janvier-février 1970) vient en effet de publier dans la même revue (N°52, Nov. 1972) un article "Les donjons de Philippe-Auguste" où il dit avoir trouvé dans le donjon de Chinon une inscription "(J'a)y esté BASTIE en l'an MCCXIIIesme". Or je viens de vérifier sur place et sur photos: rien de semblable. Et comme, après sa venue à Chinon où il avait estampé une pierre où il n' y a rien d'inscrit (c'est l'auteur qui souligne) et trouvé dessus une gravure de Templier, une croix templière, et plusieurs signatures MOLAY, nous voici de nouveau devant une nouvelle affaire des Templiers! Il doit être, lui, contrairement à Roy, de bonne foi, mais sa vue est excessivement mauvaise et il doit broder...

Je voudrais me renseigner confidentiellement sur lui et ses travaux à Domme: le chef de la circonscription, car ils doivent bien avoir eux aussi leur opinion là-dessus.

Et comme il a travaillé aussi à Gisors, je vais me renseigner aussi de ce côté. Nous n'avons pas de chance avec nos graffiti! (...)".

Je ne sais ce que donnèrent ses investigations puisqu'il n'en n'informa pas son correspondant, mais le constat fut, on le voit, on ne peut plus clair.

De semblables observations furent faites concernant le relevé d'une inscription effectué par le chanoine à Saint-Emilion sur une grande pierre gravée des catacombes, au sujet de laquelle il publia une notice en 1952. Il est certain aujourd'hui qu'il imposa une lecture fautive après modification de l'estampage (réalisé cette fois-ci par frottis), et que la reproduction de ce dernier dans sa brochure de 1976 a pu être qualifiée de "faux" tant elle était retouchée (4). Le chanoine avanca  comme justification des lacunes de l'original au regard de son relevé, l'idée d'une dégradation de la pierre par les touristes. A Gisors et à Domme, ce fut plutôt l'érosion naturelle la grande maîtresse d'oeuvre des manques dont ses estampages prétendaient constituer l'arche salvatrice; et l'on peut se féliciter dans ces deux cas que l'érosion pourtant ordinairement constante, n'ait frappé les gravures révélées par les estampages de l'ecclésiastique qu'à la seule suite de son passage et après bien sûr qu'elles aient été opportunément épargnées pendant de nombreux siècles malgré leur peu de profondeur d'origine (5)...

Je ne développerai pas de nouveau ici les preuves indiscutables de la fausseté partielle des estampages effectués à Domme, ou plus exactement de leur transcription graphique par le chanoine, puisqu'elles sont l'objet d'une page et d'un article de ce blog, et je convie bien sûr le lecteur à s'y reporter si ce n'est déjà fait (cf. S. Ramond: Le faux dans l'archéologie du trait glyptographique; S. Avrilleau: La pierre qui ne ment pas, ou le dernier avatar de l'affaire Tonnellier). Il convient plutôt de préciser en quoi, point qui n'a pas encore été développé, les inventions interprétatives proposées par le chanoine concernant les gravures qui ne sont effectivement pas de son imagination créatrice, achèvent de jeter un discrédit à mon sens sans appel sur la valeur et la fiabilité de son travail glyptographique dans la Porte des Tours, et tout spécialement de ses sources et de ses méthodes. 

En premier lieu, il convient de revenir sur l'argument de fond qui consiste à présenter une iconographie médiévale comme templière par la seule vertu d'une pétition de principe, que n'appuie certes pas une connaissance réelle du contexte historico-culturel qui la voit naître, iconographie émanée nécessairement des représentations mentales d'une époque où l'on sait par ailleurs que le subjectivisme avait une place restreinte dans l'expression. Or il n'existe pas -ou si peu- d'iconographie spécifiquement templière (je convie sur ce point le lecteur à se reporter à l'étude "Chinon, un testament imaginaire" sur ce blog). Il faut donc concernant une telle attribution, à défaut d'indices clairs (par exemple des graphies attestées -je reviendrai sur cette question concernant les pseudo-épigraphies de Domme- donnant des informations précises) qu'un préjugé les fasse telles et impose a priori une grille de lecture abusive et surinterprétative. Cette dernière est malheureusement toujours conditionnée  par des références conceptuelles qui n'ont de médiévales que le nom, et sont le plus souvent de pures inventions des courants pseudo-ésotériques des XVIIIe, XIXe et XXe siècles, issues d'un "templarisme" maçonnique dont on connaît le caractère purement idéologique et anhistorique de son prétendu héritage templier, spécialement évidemment en matière d'"ésotérisme" et d'herméneutique des symboles. On sait hélas les curieux méandres intellectuels où mènerent ce genre d'idéologie, je m'en suis fait déjà l'écho sur ce blog...

Le préjugé templier existe bien à Domme aujourd'hui  puisqu'un manuscrit du XVIIIe siècle conservé à la Bibliothèque Nationale atteste dit-on de l'enfermement dans la bastide de 70 templiers au début du XIVe siècle. Or il convient de préciser, fait qui n'a encore jamais été souligné, que ce document a fait l'objet d'une lecture et d'une interprétation de toute évidence erronées de la part de son "découvreur", André Goineaud-Bérard, historien de la Société Historique et Archéologique du Périgord, et ne mentionne nullement que les 70 Templiers dont il y est effectivement question furent amenés de Paris pour être enfermés dans la bastide de Domme... et encore moins bien évidemment dans la Porte des Tours, ni aucun autre lieu d'incarcération d'ailleurs. Il s'agit d'un simple extrait des minutes du procès de Paris, tout-à-fait conventionnel, sans doute inclus dans le fonds Périgord de ce qui est aujourd'hui la Bibliothèque Nationale, par l'abbé Lespine qui en fut le fidèle transcripteur, parce qu'il nomme quelques Templiers périgourdins et rien de plus (on trouvera dans l'annexe 1 de cet article une exacte traduction du document, et toute précision concernant le prétendu dossier historique "templier" dommois).

M. Goineaud-Bérard ancra pour ainsi dire "historiquement" mais abusivement, l'incarcération de Templiers à Domme, sans doute sous l'inffluence des affirmations, elles aussi gratuites comme nous allons le voir, du chanoine Tonnellier, qui par ailleurs ignorait l'existence de cette fameuse liste. Outre ce fait majeur de l'absence, en l'état actuel du dossier, de tout point d'appui historique sur le sujet, il convient encore d'affirmer l'absurdité logique de la désignation de la Porte des Tours comme possible lieu d'incarcération de 70 prisonniers, Templiers ou non: cette partie fortifiée de l'enceinte est en effet un poste avancé de la surveillance et de la défense de la bastide, donc un lieu très exposé (je rappelle qu'il s'agit d'une porte principale), nécessairement dévolu à une garnison active et ses inévitables nécessités vitales, dont évidemment ses salles d'arme...  On peut à ce sujet rappeler que la cité fortifiée fut édifiée par le roi de France pour s'opposer aux nombreuses places dont la couronne anglaise couvrait le territoire. On ne voit donc ni comment 70 prisonniers (et leurs gardiens) auraient pu cohabiter dans la Porte des Tours avec une pressante fonction militaire sans mettre en péril l'exercice de la protection de la cité, quand bien même ils n'auraient pas été incarcérés simultanément; ni pourquoi, compte-tenu de l'exposition du lieu, des prisonniers si essentiels pour le pouvoir royal, prisonniers qu'il faut bien qualifier de "politiquement sensibles",  n'auraient pas en toute logique été plutôt enfermés dans le l'endroit le plus sûr de la ville, c'est-à-dire le château royal justement, comme ce fut le cas par exemple à Chinon, ou à Alais pour rester dans notre zone géographique... Il n'est en outre que de constater sur place la très grande exiguité des lieux pour mesurer  l'absence totale de caractère pratique d'un tel choix (6)...  

Malgré les lacunes majeures qui viennent d'être exposées, le préjugé templier peut bien resté attaché aux graffiti de la Porte des Tours si l'on persiste contre toute raison à s'y accrocher, mais son caractère entièrement gratuit d'un point de vue historique ne peut en aucun cas conditionner la lecture des gravures de la Porte des Tours ni a fortiori justifier les divagations interprétatives auxquelles n'a cessé de se livrer le chanoine, divagations qui semblent partiellement émanées des sources et méthodes d'herméneutique "occultistes" évoquées plus haut, et qui n'ont certes rien à voir avec une quelconque démarche historiquement fondée.

 

 

QUELQUES EXTRAVAGANCES INTERPRETATIVES

 

Un tel constat s'impose évidemment à quiconque a une notion quelque peu claire et étayée de ce qu'est la symbolique médiévale en général, et l'iconographie des graffiti de cette époque en particulier, ce dont notre interprète ne semblait guère se soucier... Je ne ferai pas ici la liste complète de ces aberrations, elles sont nombreuses. Il n'est que d'effectuer aujourd'hui encore la visite du site pour entendre interprétations et commentaires les plus gratuits, qu'on nous dit émaner d'un manuscrit de la main du chanoine à la source-même de ses publications, ce qui n'est franchement pas pour lever toute inquiétude quant à la valeur de son contenu... Quelques exemples suffiront à qualifier les méthodes d'analyse et et d'herméneutique tirées des écrits de M. Tonnellier, sur lequel repose l'authentification du site ainsi que le relate encore le circuit de visite.  

Ainsi selon ce dernier, la croix latine à piètement triangulaire cantonnée de quatre croisettes également latines, gravée près de l'entrée, serait une croix templière (puisqu'on observe de vagues empattements). Les croisettes du bas seraient templières car "pattées" et représenteraient les deux larrons; les croisettes du haut qui n'auraient pas d'empattements visibles auraient été ajoutées tardivement par d'autres mains et n'auraient rien à voir avec l'intention première des graveurs. L'ensemble est circoncrit dans une sorte d'ovale, ce qui signifierait la prison dans laquelle sont enfermés les Templiers, car le cercle dans la symbolique templière représenterait la prison (sic). Ceci aurait été gravé en cachette des gardiens et de façon symbolique pour n'être pas interprété par eux... Outre qu'on ne voit pas très bien, compte tenu de l'étroitesse du lieu et de l'évidente visibilité du support de la gravure, comment l'exécution de cette dernière pouvait échapper à la vigilance d'éventuels gardiens, il est évident que nous avons à faire ici à des procédés d'analyse que l'on peut raisonnablement qualifier de parfaitement sauvages. L'empattement d'une croix est un lieu commun au Moyen Age, et n'est certes pas, loin de là, l'apanage de l'emblématique templière (il n'est que de considérer les monnaies royales et princières contemporaines de l'Ordre du Temple pour s'en convaincre, ou encore les croix de consécration des églises). Les sources iconographiques montrent d'ailleurs avec certitude que la croix templière n'eut jamais, contrairement à l'opinion commune, de forme fixe: elle se présente même le plus souvent sous la forme d'une simple croix grecque, de forme latine ou encore fichée... L'origine en est par ailleurs selon les textes, la croix patriarcale des chanoines du saint Sépulcre, dont on supprima une traverse... et qui ne fut par ailleurs nullement pattée (7).

Nul besoin de recourir à un système interprétatif élaboré pour découvrir, dans la gravure qui nous occupe, une simple variante de la croix de Jérusalem, cantonnée comme on le sait de quatre croisettes, mais ici de forme latine et non potencée; croix qui n'a jamais évoqué autre chose que les cinq plaies traditionnelles du Christ, et qui n'a certes rien à voir avec la symbolique des deux larrons, non plus qu'avec une quelconque emblématique de l'Ordre du Temple... Quant à décider que les croisettes ne sont pas de la même main, c'est une chose impossible à établir à moins de vouloir décidément qu'il en soit ainsi... Et quant également à voir dans la sorte d'ovale la manifestation d'un symbolisme géométrique secret de l'Ordre (mais nous verrons plus loin que cela ne s'arrête pas là), j'attends encore aujourd'hui que l'on m'explique selon quelles voies la mémoire de cette hypothétique symbolique secrète est parvenue jusqu'au Chanoine Tonnellier, puisqu'aucun document médiéval authentique ne dit rien à ma connaissance d'un si mystérieux vocabulaire pictural... dont l'idée générale fut par ailleurs un lieu commun des milieux inspirés de l'occultisme des XIXe et XXe siècles. Les méthodes de gravure de nos prisonniers dommois ne furent pas moins extraordinaires, puisqu'on aurait utilisé des boucles de ceinture ou de chaussure, ou encore... dents et ongles!.. Je laisse le lecteur juge du réalisme de cette dernière assertion...

Pour poursuivre avec ce même vocabulaire géométrique occulte et symbolique, il semble, toujours selon notre chanoine, que le carré signifierait le temple de Salomon. Je ne sais selon quelle source encore, puisque cette forme est généralement dévolue dans la symbolique cosmologique médiévale à la terre et en exprime la stabilité, par opposition au monde céleste qui est circulaire et mouvant. Et les seuls "temples" dont le plan ait jamais épousé cette forme générale dans les textes et l'iconographie, furent, en raison de leur éternelle stabilité, les édifices scriptuaires prophétiques et eschatologiques, non-bâtis de main d'homme, d'Ezechiel et de saint Jean. Le temple de Salomon lui, serait plutôt... rectangulaire, c'est-à-dire formé d'un double carré. Sur ce point les moines-soldats du Christ de M. Tonnellier ne s'accordaient guère avec la mentalité théologique du temps... Mais il est vrai qu'ils furent suspects de toutes les hérésies (8)... 

Cependant tout ceci serait encore bien peu et ferait seulement montre d'une certaine méconnaissance de l'emblématique de l'époque, si notre chanoine n'avait pas poussé beaucoup plus loin son sens de l'innovation, suivant en cela celui de son imagination graphique. Ainsi les schémas arborescents présents à plusieurs reprises sur les murs seraient des Ménorahs. Or il se trouve qu'aucune de ces gravures géométriques désignées comme telles n'a de parenté de forme, même lointaine, avec le candélabre hébraïque... L'une de ces gravures présente semble-t-il sept terminaisons, sept étant effectivement le nombre de branches de la Ménorah. Hélas l'analogie s'arrête à la coïncidence numérale: un enfant de huit ans verrait lui-même que le graffiti représente un cruciforme ... Si donc notre homme s'était contenté de lire ce que tout le monde ne peut que voir (mais il est vrai qu'il avait la vue très basse), il aurait été mieux inspiré, en tant que prêtre, et dans un cadre de référence spécifiquement chrétien, de relier hypothétiquement ces sept terminaisons aux sept péchés capitaux, aux sept vertus ou encore aux sept dons du saint Esprit pour ne citer que quelques exemples... C'est d'ailleurs semble-t-il l' identification supposée d'une telle Ménorah à gauche d'une crucifixion, circonscrite elle-même d'une figure partiellement quadrangulaire, qui l'a sans doute vivement encouragé à envisager l'attribution symbolique sus-dite du carré... On comprend bien que sa lecture ne tient qu'à un système surinterprétatif sui generis dans lesquels les éléments se conditionnent les uns les autres, sur la base d'une lecture fautive parce qu'orientée préalablement; orientation qui est de toute évidence celle du préjugé templier (mais d'où l'a-t-il tiré?) revisité par une littérature pseudo-historique qui ne se soucie guère de critique documentaire... Les chevaliers furent bien en effet logés à Jérusalem par le roi Baudouin II dans ce qui était considéré au Moyen Age comme les anciennes écuries du roi Salomon, au sud du Mont du Temple, c'est-à-dire à proximité du Dôme du Rocher que l'on identifiait à cette époque au Temple de Salomon, ce qui motiva leur nom de "Pauvres chevaliers du Christ et du Temple de Salomon". Mais il ne ressort nullement des textes relatifs à l'Ordre du Temple et à sa fondation (ni d'ailleurs aux minutes de leur procès) que ce dernier ait accordé, en dépit du nom dont les chevaliers se gratifiaient eux-mêmes dans leur Règle ou sur certains sceaux, l'attention si particulière à la référence "templiste" salomonienne qu'une certaine littérature (dont notre chanoine semble s'être abreuvé) lui prête. On peut même dire qu'elle en est cruellement absente...   Il est a contrario aisé de constater que ces textes sont tout entiers dominés par des données christologiques... Il est en outre utile de souligner que la référence salomonienne (qui n'existe nullement à Domme) est par ailleurs une constante dans les milieux artisanaux et nobiliaires de l'époque gothique en général... Et notre chanoine s'est-il en fait jamais demandé en quoi, pour reprendre sa logique (?) judaïco-templière, un ordre monastico-militaire dévolu au Christ et dépendant en droite ligne du saint Siège pouvait, de quelque manière et en dépit de son nom, se trouver concerné par l'évocation symbolique typiquement rabbinique que constitue le candélabre à sept branches?... On voit que rien ne tient de cet édifice conceptuel fantasmatique de M. Tonnellier, si l'on se contente tout simplement de lire dans les documents... ce qu'il y a dans les documents; et sur le mur... ce qu'il y a de toute évidence sur le mur, c'est-à-dire de simples évocations de la crucifixion dont on serait bien en peine de qualifier par ailleurs avec certitude les auteurs, crucifixions qui sont omniprésentes dans le site... et un lieu commun du graffiti médiéval en général.

Passons en outre sur l'inévitable graal (et son couvercle!) sensé être présent sur les parois dommoises, toujours selon notre aventureux interprète, autre antienne "templariste" bien connue qui admet mal que la représentation d'un simple calice ou d'un ciboire sacerdotaux puisse être une chose possible; ce que que peut d'ailleurs schématiser grossièrement si l'on veut  la gravure géométrique que notre chanoine identifia arbitrairement au mystérieux objet des romans chevaleresques (9) (Fig.1). En ce cas, ce que M. Tonnellier identifie à un couvercle dans la partie supérieure de la gravure, pourrait être la figure maladroite de l'hostie du Saint-sacrement, l'ensemble constituant une représentation que l'on peut retrouver dans l'enluminure...Mais si l'on tient à y voir un couvercle, ne serait-t-il pas mieux avisé de reconnaître dans cette représentation l'évocation d'un de ces traditionnels ciboires, fermés d'un couvercle surmonté d'une croix justement; ou encore l'image de classiques fonds baptismaux en forme de coupe, qui furent également semblablement couverts? Nul besoin alors d'expliquer combien symboliquement, une telle représentation serait pleinement justifiée dans un ensemble comportant de nombreuses représentations de la croix...Mais quoiqu'il en soit en réalité du sens du dessin, on voit que les explications les plus élémentaires et les plus évidentes pour un ecclésiastique semblent décidément toujours devoir lui échapper... Pour en finir d'ailleurs sur le sujet  des croix, il avait en outre de curieuses affirmations dont on se demande bien par quelles voies paradoxales elles pouvaient bien s'imposer à sa raison: ainsi voyait-il gravé deux petits calvaires schématiques à piètements triangulaires (pourtant lieux commun du graffiti de toutes les époques), l'un bien proportionné, l'autre mal proportionné (mais sur quelle base décide-t-il de cela?): c'était le premier qui était templier, l'autre ne l'était pas...

Pour conclure enfin ces quelques exemples caractéristiques de l'art si particulier d'accomoder les signes de M. Tonnellier (du moins tel qu'il m'a été rapporté par le guide de la Porte des Tours), il semble que le sommet de l'invention romanesque fut définitivement atteint lorsqu'il releva trois petits points (invisibles bien sûr sur le mur) marqués à proximité de la circonférence d'un cercle marque d'une croix (le cercle rappellons-le signifie "prison" dans son langage secret templier), fait indiquant indubitablement que les Templiers (grands amateurs de rébus dans leurs graffiti comme chacun sait...) avaient l'intention de s'évader... pour reconquérir Jérusalem; interprétation d'ailleurs qui fut évoquée, bien que plus sobrement, dans les pages-même d'Archéologia (Fig. 2)...

 

fig.-1-cercles.jpg 

Fig. 2: à gauche, les cercles supposés représenter symboliquement la prison, dont les trois points présents sur la circonférence centrale matérialisent l'intention des Templiers de s'en évader (indiqués eux-mêmes par la croix), selon une interprétation fantaisiste du chanoine Tonnellier (estampage Tonnellier. Source: Archéologia n° 33 p. 25).

 

 

VERS UN NOUVEAU SECRET TEMPLIER?

 

Il est inutile de poursuivre la démonstration, qui peut être multipliée à l'envi, le lecteur quelque peu informé aura compris ce qu'il en est de la solidité des "sources", des méthodes et des preuves du savant saintongeais pour asseoir, d'un point de vue iconographique, sa thèse templière des graffiti de la Porte des Tours. J'ai volontairement mis de côté ici les exemples tirés de ses publications "officielles" qui, si elles apparaissent généralement plus prudentes, n'en comportent pas moins de graves extrapolations qui n'ont pour fondements que des relevés dont il n'est plus nécessaire de souligner l'inanité partielle, ainsi d'ailleurs que de la supposition gratuite que les gravures constituent un langage convenu à la signification cachée. On peut d'ailleurs souligner à ce sujet que les cocasses Templiers de M. Tonnellier ne furent pas à une contradiction près: pourquoi exprimèrent-ils en toutes lettres dans leurs prétendues graphies et sous les yeux des gardiens (perdant contre toute attente leur célèbre verve cryptographique...)  des menaces on ne peut plus explicites qui pouvaient bien les mener sûrement au bûcher; tandis qu'ils s'ingénièrent parallèlement à dissimuler dans leurs dessins (au su et au vu de ces mêmes gardiens), des informations somme toute assez peu compromettantes... voire insignifiantes? On y perdrait son Latin; notre chanoine, non à ce qu'il semble... Je ne m'étendrai donc pas sur les inventions épigraphiques qui furent publiées, sensées prouver irréfutablement cette pseudo-thèse templière: sans doute en effet leur "manifestation" fut-elle rendue nécessaire puisque le dossier iconographique, à l'image du dossier historique, est en réalité quelque peu obstinément vide... La question de leur inauthenticité a déjà été abordée dans la communication de Serge Ramond citée plus haut (10); et j'ajouterai en outre qu'il ne s'agit pas d'être bien grand spécialiste de ces questions pour douter que la forme typographique adoptée par ces prétendues "imprécations" ait véritablement à voir avec celle d'une réelle écriture, même maladroite, du début du XIVe siècle. On peut enfin noter que l'utilisation d'un tel corps de lettre et d'une telle graisse (sensés être obtenus "par frottement") visibles partiellement dans les estampages Tonnellier est une chose encore jamais vue dans la paléographie des graffiti médiévaux, paléographie par ailleurs assez rare (cf. fig. 2)... Mais je laisse bien sûr le soin aux épigraphistes compétents -ce que je ne suis certes pas- de se pencher sérieusement sur cette question, car à ma connaissance et très curieusement, compte-tenu du contexte plus que fragile du dossier, aucune expertise n'a jamais été faite de ces prétendues inscriptions... invisibles sur le mur.  Cela bien que l'une d'elle fût citée, sans vérification d'authenticité aucune, par l'archiviste-paléographe et médiéviste Régine Pernoud, ainsi que l'a souligné justement Serge Avrilleau sur ce blog, chose véritablement inexplicable mais qui témoigne bien du véritable problème posé dans ce dossier dommois: tout le monde s'est recopié sur la foi d'un argument d'autorité que ne justifient certes pas les fondements historiques et iconologiques de la thèse templière de la Porte des Tours ainsi que nous venons de le voir, pour des raisons que je ne parviens pas à discerner encore aujourd'hui. Mais ces dernières ont sans doute peu d'importance au regard du caractère très suspect des procédés de relevé, d'analyse et d'interprétation qui furent à l'origine d'une hypothèse qu'il faut bien qualifier, faute d'éléments plus concrets, de totalement fantaisiste.

Procédés qui hélas s'exercèrent sur d'autres sites selon des irrégularités semblables, et dont la mise en oeuvre inconsciente chez un chercheur par ailleurs regardé comme compétent en matière d'histoire et d'archéologie n'est sans doute explicable que par le seul recours à la stricte psychologie, ce qui n'est évidemment pas du ressort de ce blog... Je pense que la consécration publique des travaux du chanoine dans une revue archéologique de caractère national a joué pour beaucoup dans la cristallisation d'un tel phénomène, et peut-être contribué à couper les esprits d'une nécessité d'aborder son travail d'un point de vue distancié, d'autant que comme on l'a dit, les travaux de M.Tonnellier furent avalisés de bonne foi, directement ou indirectement, parfois par les autorités scientifiques elles-même, et le sont encore aujourd'hui malheureusement dans nombre de publications de diverses origines. On ne peut s'étonner dès lors que les instances dommoises touchées de près par le possible phénomène templier à Domme se trouvent encombrées par une semblable remise en question, pourtant inévitable, d'autant que cette défense très légitime de leur patrimoine s'appuie précisément exclusivement sur le travail du chanoine Tonnellier, dont elles prétendent d'ailleurs, ainsi que le guide me l'a affirmé pendant ma visite du printemps dernier, détenir fièrement le précieux manuscrit à la source de ses publications et des interprétations livrées au public lors de cette même-visite. Je ne sais ce qu'il en est véritablement puisqu'il paraît impossible de consulter ce document, qui nous livrerait pourtant bien des informations, et peut-être des éléments venant infléchir un constat qui je l'avoue, est bien sombre... Mais le silence est de règle, et je n'ai obtenu, en fait de discussion sur le fond auprès de quiconque, aucune réponse. La porte même de la consultation des estampages originaux qui furent donnés en garde à l'office de tourisme de Domme par l'Académie de Saintonge à l'occasion d'une exposition en octobre 2007à Domme, et cela pour être mis précisément à la disposition des chercheurs, m'a été diplomatiquement et contre toute attente fermée dès lors qu'on a su finalement l'orientation de ma démarche, cela malgré les assurances qui m'avaient été données par cette même Académie quelques semaines plus tôt. Le guide dommois m'a signifié lors de ma visite (où photographies et enregistrements sonores sont interdits) que ces estampages n'étaient soudainement plus consultables, devant faire l'objet par l'Office du tourisme d'une publication exclusive (ce qui ne semblait pas coïncider avec ce qu'on m'avait annoncé de leur destination), et qu'ils étaient conservés... dans un endroit secret (sic). Nouvelle manifestation sans nul doute de l'ineffable secret des Templiers... 

L'Académie de Saintonge, informée de la situation, ne donna pas suite à ma demande d'assistance pour débloquer la situation. Attentisme et mutisme sont donc de mise, et c'est l'objet de cette publication que de tenter de faire évoluer les choses. Car est-ce bien l'intérêt de tous que de refuser de faire la lumière sur un problème qui, somme toute, n'est qu'une simple question d'histoire et de glyptographie (car sur cela au moins ne plane aucun doute)? Il est certain que tout ce qui vient d'être exposé ne prétend à rien d'autre ainsi que je l'ai déjà dit, qu'à susciter la réévaluation d'un dossier "templier" qui pose de très réels et très graves problèmes. Quand donc cette réévaluation sera-t-elle rendue possible, avec le concours bien sûr de spécialistes et des personnes concernées par la valorisation du site, qui mérite tout de même mieux que l'état d'abandon à la fois physique et pour ainsi dire "moral" dans lequel il a été plongé depuis de trop nombreuses années? Les graffiti de la Porte des Tours sont bien de toute évidence médiévaux, mais sans doute plus sûrement le fait d'ouvriers ayant oeuvré aux fortifications ou de soldats de tous bords qui y furent en garnison, que d'hypothétiques Templiers nous livrant là quelque message secret (en accord curieusement sur ce point avec les Templiers chinonais de la "tradition" occultiste...) devant plus, de toute évidence, à Maurice Druon qu'à l'Histoire (11). En ont-ils moins d'intérêt pour autant?

Je ne vois pas en outre que protéger légitimement la mémoire d'un homme soit ne jamais rien envisager de ses possibles errances, aux dépens par ailleurs d'une vérité qui, elle, est due à tous indistinctement.

 

Hervé Poidevin.

 

 

NOTES:

 

(1) Ces éléments d'information sont tirés du site de l'Académie de Saintonge: http://www.academie-saintonge.org/index.html

 

(2) Cf. chanoine P.-M. Tonnellier: Le prisonnier de Gisors ou l'écroulement d'un mythe, Archéologia N° 43, nov.-déc. 1971, pp. 70 et suiv.; A Domme en Périgord, le message des prisonniers, Archéologia N° 32, janv. 1970; Les graffiti de Domme ou la foi des Templiers (II),Archéologia N° 33, mars-avril 1970, pp. 22 et suiv.; Domme révèle encore de nouveaux secrets, Archéologia N° 38, janv.-fév. 1971, pp. 78 et suiv. 

 

(3) Uniques en leur genre également sont les" trouvailles" graphiques proliférantes du chanoine à Gisors et à Domme. Il ne lui suffit pas de prétendre "découvrir" le nom de Basian à Gisors,encore faut-il qu'il soit inexplicablement démultiplié à un grand nombre d'exemplaires sur une même pierre (cf. Archéologia N° 43, p. 77, fig. 9). Même phénomène à Domme pour la graphie Clemens Destructor templi (cf. Archéologia N° 33, fig. p. 25) et pour les fameuses "têtes de Sarrazins" où sont atteints là des sommets dans l'art de la redondance inutile (cf. Archéologia N° 38, fig. pp. 78 et 79). Un tel phénomène de prolifération d'un même signe est tout-à-fait inconnu dans les graffiti anciens en dehors de ces trois exemples, que "révèlent" justement les estampages du chanoine en dépit de leur invisibilité persistante. Comment ne pas supposer, compte-tenu de la fragilité du dossier Tonnellier, que le phénomène profusionnel trois fois répété signe bien là le même trait psychologique d'un seul et unique "inventeur"?

 

(4) Cf. La pierre qui fâche, http://saint-emilion.pro/index.php?post/catacombes

 

(5) On nous affirme en effet que les lettres des inscriptions ne furent pas gravées, mais obtenues par "frottement", ce qui les rendit de peu de profondeur, d'où leur disparition actuelle... Ainsi l'érosion qu'on nous annonce avoir été brutalement impitoyable pour elles après 1970 ne le fut pas du tout entre le début du XIVe siècle et cette date, soit pendant... près de sept-cents ans. Ce curieux caprice érosif est à noter, d'autant qu'il s'est également produit à Gisors pour le nom de Basian, mais il est vrai, sur une durée un peu moins longue... 

 

(6) Philipe III le Hardi éleva la bastide sur le Mont de Dome (aujourd'hui Domme) pour l'opposer aux multiples fortifications que les Anglais, alors possesseurs de la Guyenne, édifiaient dans le pays. Il fortifia spécialement le côté le plus exposé, à l'est, par l'ouvrage de deux tours comportant des salles d'arme, encadrant une porte ogivale appelée aujourd'hui "Porte des Tours", qui fut sans doute reliée à un fort aujourd'hui détruit, destiné à protéger la partie la plus faible de toutes. Ces ouvrages nouveaux furent achevés à la fin du XIIIe siècle, incluant un château neuf sur un promontoire à l'ouest de la ville; édifice qu'il ne faut pas confondre avec le château dit de Domme-vieux aujourd'hui, dont la propriété demeurait aux seigneurs de Dome, desquels la Couronne acquit la portion de terre où fut élévée la bastide. On doit donc noter que Domme ne cessa d'être en état de guerre pendant le conflit franco-anglais où elle fut prise et reprise par les deux partis (par exemple en 1347, 1369, 1383, 1421), et ne manquait certes pas de lieux de réclusion mieux adaptés et véritablement plus sûrs que la Porte des tours largement exposée, pour nos infortunés Templiers. Ainsi quand l'autorité royale voulut en 1360, enfermer à la discrétion de son pouvoir et de manière sûre, les traîtres qui avaient vendu la ville aux Anglais, c'est bien au château qu'on les incarcéra... (cf. Lascoux, bibl.). On peut signaler encore, s'il était encore nécessaire, comme argument faisant douter de l'éventualitéé que Philippe Le Bel ait jamais pu choisir Domme comme lieu d'incarcération de Templiers, l'état de désorganisation des possessions du pouvoir royal en Guyenne et le peu de fiabilité avec laquelle les fonctionnaires du duché en appliquaient les prescriptions, situation à laquelle il dut notamment remédier en 1308 par l'envoi d'ordonnances à ces mêmes fonctionnaires (cf. Dessalles, tome II, p. 100; cf. bibl.).

 

(7) Cf. Thierry Leroy, Les Templiers, légendes et histoire, Paris, 2007, 2008.

 

(8) Cette évocation d'un langage symbolique secret dans lequel le carré évoquerait le Temple de salomon me paraît rappeler d'un peu trop près le fameux "alphabet" maçonnique, où la Loge (en correspondance symbolique avec le Temple de Salomon) est parfois figurée par un carré...

 

(9) La légende d'un Graal templier est fondée sur le Parzival de Wolfram von Eschenbach, roman allemand du XIIIe siècle qui s'inscrit dans le cycle arthurien initié par Chrétien de Troyes un siècle plus tôt. Le château du Graal y est dit être gardé à Munsalvaesche par des templiers (ou templaristes selon les traductions) qui tirent leur nourriture du graal lui-même. Il se trouve cependant que sous ce nom, l'auteur ne désigne pas une coupe, mais une pierre nommée lapsit  exilis, termes dont la signification divise encore les commentateurs aujourd'hui. Les auteurs modernes à tendance "ésotérique" ne manquèrent pas d'instrumentaliser ce texte pour se livrer à diverses extrapolations pseudo-historiques, extrapolations qui ne semblent visiblement pas avoir échappées à la sagacité de notre chanoine (cette question est abordée par lui dans le n°33 d'Archéologia, p. 24)...

 

(10) Cf également: S. Ramond, Les graffiti de prisonniers templiers, dans Un patrimoine culturel oublié: les graffiti, Revue archéologique de l'Oise, n° 23, 1981, pp. 9-28.

 

(11) On aura remarqué que Serge Avrilleau, dans la contribution qu'il porte au dossier dans ces pages, n'exclut pas, à la suite de Serge Ramond, que les graffiti de Domme puissent être carcéraux, et même templiers. L'hypothèse est fondée essentiellement pour ces deux chercheurs, sur la validité du document publié par M. Goineaud-Bérard, validité dont on verra dans l'annexe 1 de cet article qu'elle ne repose sur rien; fait dont S. Avrilleau n'avait évidemment pas connaissance lors de la rédaction de cette contribution.

 

 

ANNEXE 1:

 

Le manuscrit qui attesterait de l'incarcération de 70 Templiers dans la bastide de Domme est issu du fonds Harlay déposé au XVIIIe siècle à la Bibliothèque royale, maintenant Bibliothèque Nationale (département des manuscrits occidentaux, anciennement fonds Harlay n° 329, copie Lespine, fonds Périgord 35). André Goineaud-Bérard a publié cette liste de templiers qui fut, pense-t-il, établie en 1311 au plus tard, accompagnée de notices biographiques relevées dans les pièces du procès citées par Michelet (cf Bulletin de la Société Historique et Archéologique du Périgord, tome CXXVII, année 2000, pp. 272-285). La liste publiée par M. Goineaud-Bérard coïncide effectivement avec celle du document original, mais l'introduction et la conclusion de cette même liste n'évoquent nullemment le transfert de ces Templiers à Domme. En voiçi les fac-simile et leur exacte traduction, effectuée à ma demande par la médiéviste Colette Beaune, présidente de la Société des Sciences et Lettres de Loir-et-Cher, aujourd'hui connue pour être spécialiste de Jeanne d'Arc, anciennement maître de conférence à la Sorbonne (Paris I) et enseignante à l'université de Paris X-Nanterre:

 

ms-BN-1.jpg 

 

(Document: Bibliothèque Nationale de France, département des manuscrits occidentaux)

 

 

Traduction de l'introduction: "Fonds Harlay n° 329, coté procès contre les Templiers fait en France en 1309, fol. 25-26 et suiv.

 

                                                                                                 1309.

... Ensuite le samedi suivant, le 28e jour du mois de mars, se rassemblèrent dans le verger de derrière et dans la maison de Monseigneur l'évêque de Paris tous les seigneurs commissaires cités plus haut ("supra dicti"; ce qui révèle que la copie est incomplète et que l'original  devait être précédé de la liste des juges) et tous les frères de cet ordre du Temple qui sont écrits en-dessous. Ils furent amenés en présence des dits seigneurs  commissaires...... Les noms des frères qui furent ce jour-là et à ces endroits, tous et chacun, furent présents les frères... (suit la liste des noms)"

 

 

ms-BN-2.jpg 

(Document: Bibliothèque Nationale de France, département des manuscrits occidentaux) 

 

 

Traduction de la conclusion: "Après cela le jour de mars qui suit, qui fut le dernier jour de mars, furent amenés en présence des dits commissaires dans la chapelle qui se trouve à côté de la grande salle épiscopale.

Raymond de Wassinhaco (incertain), chevalier du diocèse de Limoges en habit séculier, non templier."

 

En première remarque, on peut affirmer d'après Mme Colette Beaune, que cette copie effectuée par l'abbé Lespine (1757-1831) fut bien faite sur un document original du XIVe siècle, l'exactitude de la paléographie en témoigne indubitablement.

En deuxième remarque, on peut signaler qu'il est véritablement incompréhensible qu'aucun fac-simile ni aucune traduction exacte de ces textes n'ait été produits en pièces justificatives des deux publications que M. Goineaud-Bérard fit de cette liste. Il est tout aussi incompréhensible que le texte d'introduction et sa traduction prétendûment tirés du document de la BNF, figurant dans son ouvrage "Templiers et Hospitaliers en Périgord", ne corresponde pour le moins que très approximativement à celui de ce même document. Il ne put, lors de nos entretiens, justifier véritablement l'origine de son texte. Il semble que la personne à qui il voulut confier cette traduction se révéla quelque peu incompétente selon ses dires, et qu'il se concentra sur la liste, pour les développements biographiques de laquelle il se référa essentiellement à Michelet et à Roger Sève (voir bibliographie). D'où par ailleurs, s'il eut connaissance de ce document, tint-il que la liste fut établie en 1311 au plus tard alors  que ce même document indique clairement la date de 1309?

En troisième remarque, il faut signaler que des références bibliographiques antérieures aux années 1970 historiquement fiables et qui travaillèrent sur les archives (qui m'ont été aimablement fournies pour l'essentiel par M. Jean-Luc Aubarbier), toutes se taisent, sans exception, sur un possible enfermement de Templiers à Domme: Jean Tarde, Lascoux, Michelet, Escande, Dessalles, Maubourguet... On ne trouve rien non plus dans la monumentale histoire de Languedoc de Devic et Vaissette, ni même dans la Bibliographie générale du Périgord de Roumejoux, Bosredon et Villepelet (cf. bibl.). L'inventaire du fonds Périgord constitué par l'abbé Lespine, à la sagacité duquel il est bien peu probable qu'un tel fait eût échappé, n'est pas plus disert. Bref, on peut avec certitude établir, en l'état actuel des choses, que l'idée de prisonniers templiers dommois est bien une pure invention du Chanoine Tonnellier pour les besoins de sa cause, invention 'authentifiée" par M. Goineaud-Bérard sur la base d'une interprétation fautive du manuscrit du fonds Périgord, simple extrait des minutes du procès parisien, qui n'y furent intégrées sans doute que parce que la liste de la cote 35 contient le nom de quelques Templiers périgourdins...

 

ANNEXE 2:

 

Ma correspondante à l'Académie de Saintonge Mme Francette Joanne, historienne qui oeuvra aux côtés du chanoine Tonnellier sur le chantier de la Porte des Tours, et dont je tiens à préciser que ni la compétence, ni l'honnêteté et la sincérité ne sont évidemment en cause dans cette affaire (puisque c'est seulement l'intervention graphique intempestive de ce dernier sur les estampages qui pose problème), me fait part, dans son mail du 16 novembre 2011, de sa tristesse et de son incompréhension au vu de ce qu'elle estime semble-t-il constituer des accusations gratuites visant à une fausse polémique. Elle en profite d'ailleurs, et je l'en remercie, pour rectifier un point technique, qui fut évoqué par Serge Avrilleau sur ce blog dans la seule optique pourtant d'alléger la suspicion touchant les trop fameuses "têtes de Sarrazins" de M. Tonnellier. Je suis cependant désolé qu'elle n'apporte aucun élément concret pouvant remettre en cause ou tempérer les divers constats effectués dans ces pages, notamment par S. Ramond, ce que je réclame depuis des mois auprès des personnes concernées, et cela dans le seul but, je l'ai dit, de mieux établir les faits.

Je reproduis donc son courriel puisqu'il contient des rectifications intéressant partiellement le texte de S. Avrilleau, tout en précisant que je publierai bien sûr ici tous éléments nouveaux et toute intervention argumentée pouvant concerner de près le fond du dossier et éclairer quelque peu la situation:

 

Monsieur,

J'ai en effet essayé de prendre connaissance des dossiers et autres blogues qui ne sont qu'un enchevêtrement de questions et réponses de différentes coteries. J'y ai lu des injures (c'est l'auteure qui souligne) faites à la mémoire du chanoine Tonnellier que je ne peux admettre.
Par ailleurs, je vois que votre opinion est déjà faite sur ce qu'a écrit le chanoine sur la porte des Tours de Domme. Je n'ai donc rien à ajouter.
J'ajoute que dans ce fatras trouvé sur la toile, il est dit que les estampages "étaient faits au marteau" (sic). Ceci est pure invention, et je ne résiste pas au plaisir de vous donner la méthode, puisque c'est moi qui ai fait tous les estampages de Domme. J'ai procédé avec de grandes feuilles de papiers buvards, un peu d'eau et l'index de ma main droite, en repoussant le buvard humecté, centimètre carré après centimètre carré avec l'index ...Point de latex, point de colle (sic?), et encore moins de marteau destructeur evidemment, que seuls des chercheurs qui n'ont jamais pratiqué des estampages peuvent imaginer.
Bien tristement
Francette Joanne
 
 
BIBLIOGRAPHIE des auteurs cités:
 
-AUBARBIER Jean-Luc: La France des Templiers, sites, histoire et légendes, Bordeaux 2007;
-DEVIC  Claude, Vaissette Joseph, Du Mège Alexandre: Histoire générale de Languedoc, avec les notes et les pièces justificatives, composée sur les auteurs et les titres originaux..., 10 volumes, Toulouse, 1840-1846;
-DESSALLES Léon: Histoire du Périgord, 3 volumes, Périgueux, 1883-1885;
-ESCANDE Jean-Joseph: Histoire de Sarlat, 1936;
-GOINEAUD-BERARD André: Templiers et Hospitaliers en Périgord, 2002;
-MAUBOURGUET Jean: Sarlat et le Périgord méridional, 3 volumes, Cahors, 1926;
-MICHELET Jules: Histoire de France, 6 volumes, Paris, 1833-1844 / Le procès des Templiers, 2 volumes, Paris, 1841-1851;
-ROUMEJOUX A. de, BOSREDON Ph. de, VILLEPELET Ferd.: Biographie générale du Périgord, 4 volumes, Périgueux, 1897;
-SEVE Roger et Chagny-Sève Anne-Marie: Le procès des Templiers d'Auvergne, 1986;
-TARDE Jean (1561-1636), chanoine théologal et vicaire général de Sarlat: Chroniques.... annotées par le Vte Gaston de Gérard,  Paris, 1887.                                                   
 
 
 
 

 

 

 

 

Partager cet article
Repost0
20 décembre 2010 1 20 /12 /décembre /2010 14:36

Un visiteur du Net, M. Benjamin Fornazero (1) exprima, dans un commentaire laissé sur ce blog, ses doutes quant à la validité de la démonstration de Serge Ramond concernant l'inanité d'une partie des relevés du chanoine Tonnellier à Domme (cf la page: Le faux dans l'archéologie du Trait glyptographique). Sa critique porta essentiellement sur la question des procédés de relevé et sur les mérites comparés de l'une ou l'autre technique employée par chacun des "protagonistes", s'attachant finalement à démontrer le caractère peu précis du moulage, mais avec des arguments reposant hélas sur une grande méconnaissance des moyens mis en oeuvre lors de la prise d'empreinte et de sa reproduction. Je lui fis donc part de mes objections au cours d'une brève correspondance qui suivit son intervention, échange durant lequel il admit bien volontiers ses erreurs de jugement. Cependant, puisque le fond du sujet n'était pas tant de discuter du caractère plus ou moins irréprochable des diverses techniques de relevés (les deux sont également excellentes) mais bien de mettre en doute l'existence de registres de gravures figurant seulement sur les estampages Tonnellier et n'apparaissant pas sur les moulages de S. Ramond, pourtant exécutés à la même époque, j'assurai à mon correspondant, en guise d'arbitrage, outre de l'impeccable fiabilité du moulage lorsqu'il est exécuté techniquement dans les règles, ce dont évidemment on ne pouvait douter concernant S. Ramond, qu'il était d'une part impossible qu'un quelconque registre de gravures, si fin ou érodé soit-il, n'apparaisse pas à la vue dans les conditions d'éclairage rasant adéquates (mais on pourrait encore supposer qu'aujourd'hui l'érosion ait eu raison de ces "révélations"... argument que j'ai moi-même entendu); et que d'autre part, l'intervention directe du chanoine sur ses estampages (il repassait au stylo les creux du papier avant d'en effectuer la lecture) rendait éminement suspectes ses "découvertes", d'autant qu'il produisit le même phénomène à Gisors, avec des manies "profusionelles" identiques c'est à noter (repétition pléthorique d'un même élément graphique) qui en disent plus long à mon sens sur les "tics" psychologiques de l'ecclésiastique que sur la réalité concrète des images miraculeuses qu'il soumit au public et à la communauté scientifique de l'époque, et sur lesquelles il fonda les thèses qui le firent connaître.

 

fig-8-ciel.JPG

 

Domme. Le Paradis. Estampage publié dans la revue Archéologia, avec les fameuses "têtes de sarrazins" imaginées par le chanoine Tonnellier

 

 

A contrario, et pour avoir quelque peu suivi de près la pratique de S. Ramond, je puis affirmer -s'il était encore nécessaire- que la réalisation du type et du contre-type lors de la production d'un moulage est une opération purement "mécanique" qui ne peut être suspecte de laisser place à aucune forme de subjectivité, même inconsciente, et par laquelle bien entendu le rendu est toujours en tous points conforme à l'original. Mais puisque la thèse, à mon sens indiscutable, de la malhonnêté partielle du travail

de notre chanoine semble encore aujourd'hui, et malgré des arguments avancés qui d'ailleurs ne sont toujours pas valablement réfutés, difficile à admettre pour certains caractères sourcilleux, il semblerait qu'une preuve de plus fût nécessaire, cette fois-ci définitive et qui achèverait de clore un débat qui n'a que trop duré. C'est l'objet de cet article que d'en faire état, espérant qu'elle convaincra les plus exigeants et pour tout dire, toute personne animée de la plus simple bonne foi. Cette preuve nous est fournie par un autre correspondant du Net, Serge Avrilleau (dont le site figure en lien sur ce blog), à qui j'ai demandé, suite à une abondante correspondance, d'intervenir directement dans ces pages, car il m'a semblé que nul n'était mieux placé que lui pour défendre l'argument dont il était l'initiateur.  

Afin de présenter l'homme, non je précise pour avancer un quelconque argument d'autorité à l'appui d'une thèse qui nous le verrons, se suffit à elle-même, mais parce qu'il est nécessaire que les intervenants sur ce blog soient parfaitement situés par le lecteur, on peut dire en résumé qu'il est un spécialiste incontesté des grottes et souterrains du Périgord, dont il a entrepris le recensement complet dès 1968 (2). Il étudia à ce titre les gravures et peintures préhistoriques, notamment à Lascaux, au sein de l'équipe qui préconisa la fermeture du site au public, et fut, entre-autres lieux, le découvreur de la grotte préhistorique de Jovelle (Dordogne). Son activité considérable (3) le mena à s'intéresser plus largement à la glyptographie souterraine en Périgord où il recensa plus de 200 sites, mais aussi aux graffiti en général, dont il devint également un spécialiste. 

Il établit entre-autres, et c'est ce qui nous intéresse plus particulièrement ici, un relevé quasi-complet des graffiti templiers de la Porte des Tours à Domme. C'est donc à ce dernier titre qu'il m'a fait parvenir le texte qui va suivre, s'adressant directement à M. Fornazero, mais qui est évidemment destiné à toute personne possédant les mêmes doutes que ceux de notre correspondant concernant le "problème Tonnellier".

 

Hervé Poidevin.

 

 

Monsieur Fornazero,

 

comme vous je m'intéresse aux graffiti et aux templiers en général, mais en particulier aux graffiti présumés templiers de Domme. Et je voudrais revenir, avec vous, sur les travaux de M. Ramond et de M. Poidevin.

M. Ramond a effectué des moulages à Domme au moyen de la plastiline et il y a trouvé très exactement ce qui existait à l'époque, c'est-à-dire des graffiti de prisonniers, probablement templiers, d'une importance et d'un intérêt exceptionnels. Serge Ramond (aujourd'hui décédé) n'avait rien ajouté à ses moulages, qui sont donc absolument fidèles. Ces moulages n'ont donc pas pu révéler ce que le chanoine Tonnellier a ajouté de sa main sur ses estampages, en l'occurrence des inscriptions qui n'ont jamais existé. Pour fournir des preuves de l'imposture du chanoine, nous n'aurons pas beaucoup de difficultés, si ce n'est à le faire admettre aux gens de Domme qui ont cru longtemps à sa parfaite honnêteté et à l'infaillibilité de sa science; des preuves il en existe, elles sont nombreuses et pas seulement à Domme. Pour l'exemple, je vais vous en fournir une, difficilement discutable:

dans la prison de la Porte des Tours à Domme, les scènes de chevalerie et celles représentant "le Paradis" et "le Vendredi Saint" où le chanoine Tonnellier a inventé 2050 sarrazins (Archéologia) ont été exécutées sur des pierres portant très ostensiblement leur layage d'origine, c'est-à-dire les laies, rayures diagonales et parallèles laissées par l'outil nommé laye ou "chemin de fer" (à cause du bruit) du tailleur de pierre. Or ce layage, exécuté sur la pierre avant la construction de l'édifice, est encore aujourd'hui intact et parfaitement visible sur place et sur toutes les bonnes photographies. Il est évident que si des dessins de têtes multiples avaient été gravés en même temps que les scènes principales, ce layage aurait disparu et aurait été détruit par les multiples têtes de prétendus sarrazins, qui n'ont donc jamais existé. Il faut songer que les visages imaginés par le chanoine correspondent peut-être aux multiples martelages nécessaires à l'estampage, au moyen d'un maillet de bois, frappé à de multiples reprises sur toute la surface du carton mouillé pour le faire adhérer profondément dans le creux des traits gravés. Ces impacts répétés laissant tous une empreinte similaire ont peut-être suggéré au chanoine une multitude de visages identiques totalement imaginaires. J'ajouterai que la plupart des gravures présentes dans cette prison de Domme sont probablement l'oeuvre authentique des 70 Templiers qui y ont été enfermés. Il n'était pas nécessaire d'y ajouter des sentences pour affirmer leur foi et leur conviction chrétienne; les crucifix sont là pour en témoigner largement.

D'autre part le chanoine Tonnellier est bien connu pour avoir procédé en d'autres lieux dans les mêmes conditions contestables qu'à Domme et la vérité sur ces agissements honorerait la ville de Domme et ce superbe site, malheureusement non protégé, plus que la tolérance aveugle qui a sévi à ce jour.

Mais les méfaits de ces agissements condamnables vont plus loin qu'il pourrait paraître de prime abord: je n'en veux pour preuve que cette phrase écrite par Régine Pernoud dans son ouvrage "Les Templiers": "Il reste que les graffitis émanant de templiers sont en effet intéressants et dans bien des cas contribuent à révéler une mentalité: celle de prisonniers accablés sous d'injustes accusations: ainsi en est-il de ceux qu'a découvert, dans la tour de Domme en Périgord, P.-M. Tonnellier, où, à travers des inscriptions vengeresses (Clemens destructor Templi), de très beaux crucifix, des anges d'apocalypse, les templiers clament l'injustice de leur sort et le calvaire qu'ils subissent. Là est l'histoire,..."

Je trouve déplorable qu'une personne de la notoriété de Régine Pernoud se soit laissée inffluencer par les erreurs d'un ecclésiastique aux méthodes contestées. Et les congratulations à l'égard dudit chanoine se sont malheureusement multipliées à l'infini; il serait grand temps d'arrêter cette hémorragie. M. Hervé Poidevin est de mon avis.

Pour avoir relevé moi-même la plupart des graffiti de Domme au moyen d'un procédé qui n'a eu aucun contact avec la paroi, je suis convaincu que nul n'est infaillible, et qu'en matière de recherche, l'argument d'autorité ne doit pas emporter la décision finale. La prudence et la circonspection doivent en permanence maintenir éveillée l'attention du chercheur sérieux. nous pouvons nous tromper et, finalement, c'est de la concertation mutuelle que naîtra la vérité la plus approchée.

 

Serge Avrilleau

 

 

NOTES:

 

(1) Le travail de M. Fornazero sur Domme est visible sur son site: http://www.templiers-de-domme.fr

 

(2) Ce recensement fait l'objet d'une publication, dont 6 volumes sont parus jusqu'à ce jour:

-Cluseaux et souterrains de Périgord, tome 1, le Bergeracois, en collaboration avec Brigitte et Gilles Delluc, préface du Pr Raymond Mauny, ed. Archéologie-24, 1975; même tome, en deux volumes, ed. Libro-Liber, Bayonne-Périgueux, 1996 et 2004; tome 2, le Ribéracois, 1ère partie, ed. Libro-Liber, Bayonne-Périgueux; tome 3, le Ribéracois, 2e partie, même éditeur; tome 4, le Ribéracois, 3e partie, ed.

P.L.B, Le Bugue, Dordogne. D'autres volumes sont en cours d'édition ou en préparation.

On peut noter aussi que Serge Avrilleau a publié une remarquable typologie des graffiti de Périgord, qu'il est possible sans conteste de conseiller à toute personne s'intéressant aux études glyptographiques, tant son caractère exhaustif, la justesse du classement et des commentaires, en dépit de quelques imprécisions concernant la "triple enceinte"(généralement partagées toutefois à l'époque de sa publication), dépasse largement le cadre géographique auquel elle est censée se limiter  (Essai de typologie des graffiti anciens, signes et autres marques gravées du Périgord, dans Bulletin de la Société Historique et Archéologique du Périgord, tome CXXVIII, année 2001).

 

(3) L'intérêt de notre correspondant pour l'archéologie souterraine, qui prit racine dès l'âge de 14 ans (1947), le mena vers la Société Francaise d'Etude des Souterrains, dont il assuma la charge de Président National de 1978 à 1988 et où il anima la revue Subterranea. Il organisa à ce titre de nombreux congrès internationaux en Europe. Il possède à son actif plus de 2100 explorations souterraines.

 

 

  

 

 

 

 

 

 

Partager cet article
Repost0
29 novembre 2010 1 29 /11 /novembre /2010 21:53

Les graffiti dont il va être question dans cet article, fait exceptionnel sur ce blog, ne concernent pas la période dite "médiévale". Il est possible que l'énigme qu'ils proposent prenne place dans un temps qui lui succède de peu, justifiant peut-être, à la rigueur, que j'en fasse état ici. Cependant rien n'est véritablement certain: aucune hypothèse à l'heure actuelle concernant leur origine, leur(s) auteur(s), et à fortiori leur signification, ne résiste pleinement à l'analyse. Et si ces gravures demeurent obstinément muettes, c'est qu'elles n'obéissent à aucun type iconographique connu, ne comportent aucune graphie véritablement identifiable (évidemment aucun millésime), ne se trouvent à ma connaissance qu'à Loches (Indre-et-loire) et pourtant leur homogénéité graphique, leur récurrence malgré leur dispersion dans un certain périmètre public de la ville (principalement aux alentours de la Cité Royale), laissent supposer qu'ils n'ont pas été laissés là par des graveurs occasionnels animés d'un simple esprit ludique. Les dessins ne sont pas le fait d'enfants non plus, puisqu'ils sont tous situés à la hauteur du regard d'un homme adulte (1). L'objet de cet article est donc principalement, on l'aura deviné, de solliciter la sagacité des visiteurs du Net et de tenter, par leur entremise, de collecter des éléments d'information nouveaux, voire des pistes de réflexion un tant soit peu argumentées, qui permettraient d'étoffer un dossier décidément trop mince, et pourquoi pas de contribuer à mener à tout ou partie d'une solution qui se fait attendre, il faut bien le dire, depuis déjà quelques décennies... 

 

planche-renard.JPG 

 

Fig. 1: planche de relevés effectués au XIXe siècle, publiée par André Renard en 1947.

 

On peut sans crainte parler d'un véritable corpus de signes concernant ces étranges témoignages, puisqu'ils se plient facilement à une typologie relativement restreinte, malgré diverses variations et quelques exceptions, comme nous allons le voir. Mais la première publication qui fit état de ces signes, due à André Renard dans  Le Flambeau du Centre en 1947 (2), le fit sans ordre, dans une planche confuse mêlée d'éléments exogènes selon toute probabilité, avec seulement quelques rares commentaires, bien qu'assez justes, pour les éclairer (Fig. 1). Il est donc difficile d'en tirer des observations sûres, d'autant qu'une très large partie des gravures figurant sur la planche a disparu aujourd'hui; et qu'il s'est lui-même contenté de publier des relevés qui ne sont pas de sa main, mais d'un certain Picard, érudit Lochois qui les réalisa autour de 1887 si l'on en croit l'auteur. La première (et dernière à ma connaissance) tentative d'expertise véritable de ces graffiti est due à Ulysse Jollet, alors guide au donjon de Loches (il sera plus tard responsable du château de Chinon), qui prit la peine, alerté sur le sujet par M. Rioland, professeur à la retraite et chartiste amateur possédant quelques gravures sur le mur extérieur de sa maison, de faire un nouvel état de la situation. Il parcourut donc les rues durant ses heures de relâche, établissant de nouveaux relevés et effectuant de nouvelles observations qui donnèrent lieu à des hypothèses dont il fit état dans le Bulletin des Amis du Pays Lochois (3) et lors d'une intervention au premier colloque sur les graffiti anciens organisé à Loches par l'ASPAG, en 2001 (4) (Fig. 2).

 

tetes-ulysse.JPG 

 

 Fig. 2: types de profils relevés par Ulysse Jollet. La taille de coiffe la plus représentée est la forme 3 (en bas); environ 42 exemplaires, allant du simple chapeau "triangulaire" à un chapeau résumé par une simple "pointe". La même forme, mais de petite taille est représentée environ 9 fois (forme 1, en haut à gauche. La forme "en calotte" (forme 2, en haut à droite) est reproduite à peu près 15 fois. Deux profils ne possèdent pas de coiffe, si l'on excepte les têtes à cupules (voir plus loin). Dans un cas (rue du Rocard), le chapeau est remplacé par un signe indéterminé (document U. Jollet).

 

  Je lui demandai quelques années plus tard de me communiquer ses relevés et observations, et au vu des documents, me décidai à mon tour à me rendre sur les lieux. Mes observations ne furent pas différentes des siennes à quelques détails près, et je décidai de mettre de côté la publication de 1947, peu sûre à mon sens, pour me concentrer sur l'état actuellement observable  des gravures, me basant sur les relevés de mon prédécesseur et sur les indications topographiques qu'il avait établies, fondements sur lesquels je vais tâcher, en plus de mes propres  observations, de présenter ici la question.

Ces étranges gravures, qui sont composées de profils schématiques standardisés malgré quelques variations, notamment dans la coiffe, et de graphies montrant divers signes isolés ou en petit groupe accompagnant ou non les "portraits", ont visiblement été disséminées selon un parcours précis qui ceinture sensiblement  la Cité Royale, celle-ci n'étant pas complètement épargnée puisque têtes et signes

figurent par exemple dans les meurtrières du rez-de-chaussée de la barbacane située en avant du chatelet d'entrée de la citadelle; et s'étendant jusqu'aux faubourgs de la ville, au nord-ouest et au sud (5). On peut constater que les graffiti se trouvent tous sur des bâtiments ou murs construits ou existants au XVe siècle, ce qui permet peut-être de fixer une date minima quant à leur exécution, et laisse supposer qu'ils ne sont probablement pas postérieurs au XVIe siècle, car on ne les rencontre pas sur des édifices plus récents (A. Renard, U. Jollet). Les dessins sont tous (à l'exception de ceux de la barbacane) localisés dans des lieux publics, sur la maçonnerie extérieure de murs "bordant la chaussée d'axes très fréquentés ou sur ceux limitant des carrefours importants" (U. Jollet). A l'extérieur de la Cité Royale, on note leur présence sur deux édifices remarquables: la chapelle Notre-Dame de Vignemont à proximité, édifice de transition entre le roman et le gothique, et c'est à noter, proche de laquelle on peut constater une plus grand concentration (rue du Rocard); la tour de Mauvières (XIVe siècle), dans le faubourg sud de la ville.

La plupart des hypothèses formulées pour justifier la présence de ces inexplicables gravures dans un tel contexte sont, il faut bien le dire très floues, on s'en sera douté, et se limitent à d'improbables généralités tant les points d'appui concrets font défaut: "repères conventionnels, traces d'une véritable signalisation à l'usage des membres d'une société secrète contemporaine des guerres de religion" (A. Renard); "dénombrement, puisque "la majorité de ces graffiti sont situés à proximité de portes d'habitation, de passages piétonniers, ou bien encore au début de ruelles (U. Jollet); "marquage laissé par des soldats ou des espions" puisque beaucoup de ces graffiti se trouvent en des endroits stratégiques pour observer la forteresse, ou sur des lieux où sont possibles d'importants rassemblements (U. Jollet). Il est évident que tout ceci n'emporta pas vraiment l'adhésion, à commencer par celle de leurs auteurs eux-mêmes.

Il est cependant à mon sens une supposition, qui fut d'abord formulée puis très vite délaissée par Ulysse Jollet, qui mériterait d'être approfondie, même si la formulation restreinte qu'il en donna et les lacunes de ses propres observations ne permirent pas d'en explorer toutes les possibilités: sa première idée fut en effet de relier les mystérieuses gravures au milieu des tailleurs de pierre ou des maçons; il renonca cependant à cette hypothèse car n'ayant en vue que les marques de tâcherons,  il était évident que plusieurs têtes ou plusieurs graphies pouvant figurer sur la même pierre, il était improbable qu'on eût à faire à des signes de ce genre (hypothèse que repoussa d'ailleurs A. Renard), qui auraient ainsi marqué le travail de plusieurs ouvriers... comme les auteurs d'un même ouvrage. J'ajouterai que cela ne ferait que repousser la question de la singularité des dessins, puisque les marques de ce genre étant assez bien répertoriées, il est facile de constater qu'on aurait à faire ici à un phénomène graphique parfaitement original, et qui plus est limité à la seule cité de Loches, ce qui est pour le moins très improbable. Cependant je crois que l'hypothèse de graffiti artisanaux mérite de n'être pas complètement abandonnée, puisque j'ai pu relever lors de mon investigation, précisément vers l'extrémité de la rue du Rocard où se signale une relative concentration de figures, et peu avant de tourner vers la rue de Vignemont menant à la chapelle du même nom, un graffiti d'assez grande taille (45 cm de haut) qui n'a jamais été signalé, curieusement  situé à environ 1m. 95 du sol: il s'agit à mon sens, si j'en crois son accoutrement, de la représentation d'un compagnon du devoir, reconnaissable à son chapeau-tube et son viatique sur le dos, brandissant une arme qui ressemble à une courte épée que je crois pouvoir assimiler au dard d'une canne-épée, telle qu'en possédaient justement parfois les compagnons ... mais de toute évidence, du XIXe siècle plutôt que du XVIe siècle (Fig. 3)... 

 

graffiti-compagnon.JPG 

 Fig. 3: graffiti de compagnon du Devoir, rue du Rocard (relevé de l'auteur, novembre 2001). 

 

  On pourrait alors se demander si nos gravures ne seraient pas tout simplement de simples "marques de passage" sur un de ces parcours traditionnels que les compagnons, au cours de leurs pérégrinations, arpentaient en se rendant d'étape en étape sur les sites remarquables,"obligatoires" et connus d'eux-seuls, intéressant spécialement leur profession; en l'occurrence ici, le métier de maçonnerie. Selon cette hypothèse, deux possibilités s'offrent alors à nous: ces graffiti sont bien du XVIe siècle et les mêmes chemins, transmis au cours des siècles, étaient encore parcourus au XIXe siècle; l'on s'expliquerait alors l'intérêt pour un compagnon moderne, que sa route dans la cité lochoise fût jalonnée d'édifices médiévaux exclusivement, simplement civils, ou encore remarquables comme la tour de Mauvières, l'église de Vignemont... la barbacane du donjon. S'il est vrai, concernant cette dernière que, pour un homme de la Renaissance, l'accès en était réservé puisque la cité Royale n'était accessible à la population que lors de certaines grandes festivités religieuses, il est également vrai que l'interdit ne touchait ni les soldats, ni les miliciens, ni les prisonniers... et selon toute probabilité, pas plus les ouvriers oeuvrant aux réparations d'entretien toujours nécessaires de la forteresse.

La deuxième possibilité, plus fragile il est vrai, et si l'on suit toujours cette hypothèse artisanale, peut laisser penser que nos signes ne sont peut-être pas aussi anciens qu'on le croit; et l'on peut admettre que le marquage, par exemple aux XVIIe, XVIIIe ou XIXe siècle, d'un parcours jalonné d'édifices exclusivement médiévaux, s'expliquant pour les raisons énoncées plus haut, fasse apparaître une bonne proportion de profils gravés coiffés d'un chapeau au graphisme "triangulaire" qui peut facilement évoquer, malgré le défaut de proportions et le caractère schématique du dessin, un profil de coiffe masculine de type "tricorne" avec sa pointe caractéristique vers l'avant, telle qu'on la portait sous l'Ancien Régime...

Enfin, et pour achever d'explorer l'hypothèse artisanale, on peut constater que certains signes gravés en forme de "4" pourraient peut-être s'apparenter au fameux "quatre de chiffre" en usage traditionnellement entre-autres, dans les milieux artisanaux de la construction.

On voit en final combien toutes les tentatives d'explication de ces curieux graffiti sont très conjecturales; et rares les faits qui permettent d'en tirer quelque certitude, d'en approcher en final un tant soit peu le sens. Une question cependant n'a pas encore été abordée, qui mérite d'être évoquée ici: celle des "signes" accompagnant ou non les profils, et notamment la question de leur typologie, livrant nous allons le voir des éléments de réflexion qui, il faut bien l'avouer, ne sont pas pour simplifier le problème (Fig. 4).

 

 typologie-signes-releves-ulysse.JPG

 

Fig. 4: essai de classement des "signes". Ils se présentent en petits groupes, isolés, ou accompagnant les profils. La figure notée (1), qui est en réalité à l'horizontale, doit être pivotée d'un quart de tour vers la droite. Trois "signes" de forme singulière et indéterminée, présents seulement à un exemplaire, ne sont pas figurés ici (document de l'auteur). 

 

Tous les observateurs se sont accordés pour admettre que ces graffiti dans leur ensemble se référent à une "écriture codée", tant leur "standardisation" est patente, opinion que je partage évidemment pleinement. Cette codification apparaît encore plus clairement si l'on songe à établir une typologie même vague des "signes" qui accompagnent de près ou de loin les profils, typologie qui confirme bien qu'ils ne sont pas, de toute évidence, hasardeux: ils présentent en effet tous une morphologie qui les rattache directement, ou indirectement, à des lettres (la plupart du temps minuscules) de l'alphabet grec (Fig. 5). J'avais évoqué cette question avec Ulysse Jollet il y a bien longtemps, et il est regrettable, puisque nous étions tombés d'accord sur ce fait, qu'il n'ait pas pris cette piste en considération, de toute évidence puisqu'il n'en fit état dans aucune de ses communications. Un seul cas cependant paraît litigieux: celle du signe en forme de "2" que j'ai assimilé peut-être arbitrairement à un zêta (Z). Mais je ne crois pas que cela remette en cause les observations concernant les autres "lettres". A ce dernier sujet, Serge Avrilleau note justement que ce graphisme est celui qui symbolise la planète Jupiter dans l'astrologie traditionnelle. Remarque très juste, et qui pourrait évidemment ouvrir d'autres pistes de travail, malheureusement il semble bien que dans nos "signes" la référence à cette science traditionnelle soit unique...

 

inventaire-lettres.JPGFig. 5: lettres grecques semblant structurer les "signes" (en majorité des minuscules). Les chiffres entre parenthèses indiquent leur valeur numérique définie par leur place dans l'alphabet, les grecs n'ayant pas de notation numérique spécifique pour leurs calculs.

 

L'intérêt de ce constat concernant la possible origine grecque de notre "alphabet" tient à ce qu'un autre élément graphique, présent sur seulement certaines "lettres" et aussi sur de rares profils, conduit tout droit à la possibilité qu'on ait à faire, dans au moins certains de ces graffiti, à une sorte d'alphabet partiellement "talismanique", c'est à dire en relation avec des pratiques magiques (dont m'est bien évidemment impossible de définir très précisément le contenu), ce que me paraît manifester la présence de cupules à l'extrémité de certains traits permettant de rapprocher ces graphies d'une écriture pommetée ou bouletée (ou encore "à lunettes"). Ce type de procédé graphique, de pratique courante très anciennement et que l'on retrouve évidemment au Moyen Age et à la Renaissance, trouve précisément son plus vieux modèle dans une stylisation des caractères grecs à des fins magiques, dès le IIIe siècle de notre ère et se répandra en s'adaptant dans l'"orient" hébreu et arabe comme dans l'occident latin (Fig. 6).

 

 amulette-grecque.JPG

 

Fig. 6: signes et lettres pommetées sur une amulette grecque contre l'angoisse, qui assurait aussi victoire, faveur, réputation... (source: Claude Lecouteux, Le Livre des Talismans et Amulettes, Paris, 2005). 

 

Ces écritures secrètes ressortissant à la magie du verbe, formées de lettres n'étant pas utilisées nécessairement dans leur sens alphabétique ou lexical, mais aussi composées de signes graphiques les plus variés, permettaient d'établir une communication entre leur scripteur et le monde d'esprits intermédiaires précisément "liés" par cette pratique (puisque le signe était sensé être de même essence) destinée à les contraindre à accomplir la volonté du mage, c'est-à-dire le dans un but de "déuotio" ou envoûtement. Le rite s'effectuait le plus souvent par la "défixion", c'est-à-dire le percement avec des clous, à l'origine de tablettes de plomb où étaient inscrites diverses intentions, prières ou invocations mêlées précisément de ces signes agencés entre eux, le clou affirmant la force de volonté du rédacteur sur le destinataire de la tablette qu'il veut assujettir par l'entremise d'un être surnaturel. On peut de toute évidence trouver un lien entre le pommetage lui-même des lettres magiques et cette pratique concrète de défixion, lien qu'il est facile d'établir lorsque la lettre n'est plus écrite, mais gravée; à fortiori sur un mur où seul un clou (ou toute autre sorte de pointe métallique) permet cette notation, accomplissant ainsi ce rituel par la formation de cupules. On peut noter par ailleurs plus généralement que cette magie du verbe n'avait pas nécessairement de caractère "maléfique" mais pouvait constituer simplement un outil de dialogue, de prière ou d'invocation; et l'on peut se demander dans quelle mesure les graffiti de croix cupulées présents notamment à proximité des anciens cimetières ne ressortissent pas à cette pratique de "fixation" d'une intention, cette fois-ci dévotionnelle, par exemple d'oraisons à l'intention du mort (6). Enfin, il est pour le moins remarquable de constater que la défixion de la tablette s'accompagnait d'un acte semblable effectué au moyen de clous ou d'aiguilles sur une image du destinataire, le plus souvent faite d'une figurine de terre, de cire ou de plomb. Or quatre profils de nos graffiti de Loches présentent des arrangements supplémentaires de lignes cupulées à leur extrémité n'ayant véritablement aucune nécessité formelle, et que l'on peut valablement interpréter à mon sens comme la transposition graphique de cet acte de percement, que l'on retrouve d'ailleurs dans quelques "signes" comme on l'a vu (Fig. 7).

 

tete-defixion.JPG 

 

 Fig. 7: profil cupulé, chapelle de Vignemont (relevé: Ulysse Jollet). 

 

 

On peut signaler à ce sujet qu'un profil "standard" de la rue de Vignemont, fait qui n'a pas été rapporté par Ulysse Jollet, est effectivement littéralement criblé d'une vingtaine de petites cupules... Faut-il enfin retenir, sur le même sujet, l'idée que dans l'iconographie ancienne, la représentation de profil typifiait le caractère "sinistre" (senestre ou nocturne, et par extension maléfique) de la personne représentée (7)? Encore une question à laquelle il est impossible de répondre dans l'état actuel du dossier...

Il est évident que de telles suppositions -si elles étaient par ailleurs vérifiées- ne feraient qu'épaissir encore le problème de nos étranges gravures lochoises. Il apparaît donc bien à mon sens de toute nécessité de porter le dossier à la connaissance de tous, afin que peut-être de nouvelles lumières viennent jeter quelque jour sur ce qu'il faut bien nommer, encore aujourd'hui, un mystère indéchiffré.

 

 

 

NOTES

 

 

(1) Les graffiti sont situés en moyenne à environ 1m 50 du sol, à l'exception de ceux situés près des rampes qui culminent à près de 3 mètres, à cause de l'effondrement répété du sol du cimetière de l'église St-Ours dans le quartier de Quintefol en contrebas au cours du XVIIe siècle (U. Jollet).

 

(2) André Renard, "Loches, la Porte Royale", dans Le Flambeau du Centre, N° 4, octobre-décembre 1947, p. 170; planche p. 168.

 

(3) Bulletin des Amis du Pays Lochois, n° 14, 1998, pp. 129-38.

 

(4) Cf. Ulysse Jollet, "De curieux graffiti Lochois" dans Actes des "Premières Rencontres Graffiti anciens à Loches en Touraine, 20-21 octobre 2001", ASPAG 2002 (Musée de la Mémoire des Murs); pp. 51-54.

 

(5) La nomenclature des rues et monuments où les gravures sont visibles actuellement est la suivante:

-Collégiale St-Ours;

-Rue du Fort -St-Ours;

-Rue des Roches;

-Rue du Rocard;

-Rue de Vignemont;

-Chapelle de Vignemont;

-Rue de la Pouletterie;

-Tour de Mauvières;

-Barbacane du donjon;

-Porte Royale;

-Rue de la Chauvellerie;

-Rue du Faubourg Bourdillet;

-Ruelle du Centre Jeanne d'Arc.

 

(6) Sur le sujet des graffiti de cimetière et des croix composées de cupules cf. J.-M. Couderc: "Les graffiti des églises liés à la proximité des cimetière" dans "Graffiti anciens, deuxièmes rencontres, Verneuil-en-Halatte (Oise), 2002", ASPAG, 2005; pp. 39-48.

 

(7) On peut voir à ce sujet, dans la planche publiée par A. Renard (au coin en haut à gauche), le relevé d'un graffiti figurant anciennement sur la tour de Mauvières mais qui a semble-t-il aujourd'hui disparu, représentant un rectangle où sont inscrits les mots NOR+ (pour "NORD") SEPTENTRION, accompagnant un profil et un personnage allongé avec le même visage standardisé, et quatre "clous" fichés aux quatre angles de la figure. Cette dernière paraît bien être l'indication d'un tombeau, puisque justement le côté nord est toujours dévolu à la mort dans les édifices anciens; le personnage allongé figurerait alors le corps inhumé, et les clous la "fixation" de voeux de mort sur un personnage réel, mais ici symbolisé ici par son profil. Cette interprétation n'est d'ailleurs pas exclusive d'une autre lecture, où l'on peut voir par allusion une évocation schématique de la crucifixion (le signe + à la place de la lettre D, substitution qui s'explique par le symbolisme quaternaire des branches de la croix, le D étant la quatrième lettre de l'alphabet; les quatre clous, c'est-à-dire les quatre plaies aux mains et aux pieds), la mort et la mise au tombeau du Christ.

 

 

 

BIBLIOGRAPHIE SOMMAIRE

sur l'histoire et les monuments de Loches:

 

 

GAUTHIER, Edmond: Histoire du donjon de Loches, 1881; réédition Horvath, Roanne, 1988;

 

JOLLET, Ulysse: Loches en Touraine, ville de pierre et de coeur, St-Cyr-sur Loire, juillet 2002;

 

RAUST Jean, Loches au cours des siècles, Chambray-lès-Tours 1992.

 

 

 

 

 

 

 

 

Partager cet article
Repost0
29 septembre 2010 3 29 /09 /septembre /2010 00:25

Serge Ramond est décédé de ce qu'il est convenu d'appeler une longue maladie, un samedi de ce mois septembre 2010. Ce blog n'est pas un site d'actualité (mes quelques visiteurs ont pu s'en rendre compte), et il ne s'agit certes pas pour moi d'inaugurer, par cette bien triste annonce, une nouvelle rubrique où je rendrais compte des faits "saillants" intéressant tout particulièrement la vie du petit monde de la recherche glyptographique, qui est, il faut bien le dire, très petit.

En fait, il s'agit d'autre chose. Pour les lecteurs qui souhaitent s'informer complètement de l'identité et de la biographie de l'homme qui vient de s'éloigner en silence de cette terre, je ne peux que renvoyer au lien le concernant, sur la colonne de droite de cette page. Non. Il s'agit sans doute d'autre chose.

Nous nous sommes connus en quelque sorte par accident, Serge et moi, dans les années 1990, alors qu'était entrepris un programme de restaurations importantes de la forteresse de Loches, et principalement du grand donjon, posant la question de la valorisation et de l'interprétation, pour le grand public des nombreux graffiti qui ornent ses parois. Serge, lui, ferraillait depuis plusieurs années pour obtenir une autorisation d'expertise et de relevés, qu'on lui refusait obstinément malgré sa qualification (qui n'avait évidemment plus à être démontrée) refus motivé par la sinistre affaire Yvon Roy, célèbre faussaire à Chinon, qui rendit obstinément circonspectes les autorités des monuments historiques de la région envers les chercheurs indépendants en matière de graffiti. Mais voilà: la nouvelle décision politique l'emportait maintenant, l'heure était venue pour sa génération d'aventuriers (ainsi sans doute qu'on amalgamait indistinctement tout chercheur indépendant, même honnête) d'un retour en grâce. Quant à moi, je n'avais fait que bénéficier bien innocemment de la conjoncture et de l'appui inattendu des capitaines de la forteresse, Pascal Poirier et Ulysse Jollet (qui fut plus tard responsable du château de Chinon), sans aucun effort, et avec tout à prouver. Je connaissais le musée de Verneuil bien sûr, mais ne savais rien de son auteur. Nous nous retrouvâmes donc, un après-midi et très officiellement, experts attitrés des volontés politiques, qui certes nous permettaient de travailler, mais ne nous souciaient guère au fond ni l'un, ni l'autre, puisque nous n'étions là que pour la recherche. 

Ainsi donc il fallut, pour cet homme d'expérience, excédé et méfiant face au jeune adulte que j'étais, et qu'il pensait de toute évidence une espèce de loup aux dents bien acérées bien décidé à lui voler sa place si durement conquise, une bonne heure de discussion seuls à seuls sur un banc, pour vaincre sa rage contenue et sa suspicion, et je dois dire mon propre trouble d'une situation, qui en fait nous échappait à tous deux. Bref, nous apprimes à nous connaître.

Nous nous sommes peu vus par la suite, et à mon grand regret nous travaillames peu ensemble sur le terrain. L'âge commencait chez lui à rendre moins aisés ses déplacements sur les sites et il ne se sortait pas de ses activités incessantes pour le musée; ma situation personnelle chaotique ne permit pas que se réalisent les chantiers projetés, notamment au château de La Guerche. Cependant nous nous vimes assez, et il n'hésita pas à me faire suffisamment confiance pour me proposer de travailler au musée (ce que je dus refuser à contrecoeur pour des raisons qu'il n'y a pas lieu d'évoquer) et pour me confier une intervention au premier colloque sur les graffiti anciens à Loches, alors que je n'avais aucune autorité véritable en la matière et que ma situation personnelle me rendait assez mal assuré. Il me fit donc confiance. Et c'est un peu de cela dont je voulais parler ici je crois. Suffisamment aussi pour me confier quelques années plus tard, à ma demande, le texte qui me paraît capital sur le fond, d'une de ses conférences pour une nouvelle publication plus large sur ce blog (cf: Le faux dans l'archéologie du trait glyptographique).

Ceci en fait n'est pas un hommage: on ne rend hommage aux morts que sur les monuments du même nom. Or cela, çà n'est pas Serge du tout. Et le musée bien sûr -maintenant légué à la commune de Verneuil- n'est pas un monument de cette espèce. Cest bien, en final, une sorte de lieu qui lui ressemble, pour ce que j'ai pu connaître de lui: un témoin émouvant et capital de la parfaite singularité d'expression, qui pour s'être transmise dans un vocabulaire parfois commun à tous (comme au Moyen Age), ne s'en est pas moins exercée en dehors des cadres officiels, c'est à dire en somme, dans la marge. Qui fait aussi, quoiqu'on en dise, partie de la page.

 

Salut Serge, à se revoir.

 

 

Partager cet article
Repost0
26 avril 2009 7 26 /04 /avril /2009 15:04
Les textes de ce blog sont libres de tout droit. Je souhaite simplement que les personnes reproduisant une partie des informations contenues dans mes études citent leur source, mais est-il nécessaire de le rappeler?
J'ai choisi de diffuser largement ce travail afin, dans un premier temps, d'encourager la recherche dans un domaine qui n'a  pas été exploité, sinon par les tenants d'un pseudo-ésotérisme héritier de l'occultisme du XIXe siècle, pseudo-ésotérisme qui a donné naissance au marketing du même nom, et qui , on peut le constater, a envahi la Toile.
Je n'encouragerai  donc pas ici les fantasmes débridés d'un hypothétique symbolisme. Les études présentées sont fondées sur l'analyse  iconographique telle que permettent de l'éclairer textes et documents. Je n'ai aucune aversion pour l'ésotérisme en soi, car il constitue sans doute la partie la plus essentielle de toute tradition religieuse (et les graffiti médiévaux sont, pour une très large part, à caractère religieux). Mais le plus souvent, le recours aux concepts d'une tradition supposée secrète n'est nullement nécessaire à l'interprétation des images qui nous sont proposées sur les murs. La théologie, l'exégèse, la typologie par exemple, suffisent. Si l'étude des graffiti a été essentiellement soumise à la fantaisie des occultistes au cours du vingtième siècle, je crois que la responsabilité en incombe  à l'université, qui a ignoré cet objet d'études, sans doute parce qu'il nécessite une approche transversale, c'est à dire l'action conjointe de plusieurs disciplines (histoire, archéologie, iconologie, théologie etc...), en un temps où les études universitaires sont livrées à la "spécialisation". J'espère que ce blog montrera suffisamment l'intérêt d'un tel champs d'études, qui je pense intéressera au premier chef l'historien des mentalités. Mais nous verrons bien.
Le deuxième but de cette diffusion de textes qui n'ont pas, pour une certaine part, été publiés, est d'entrer en contact avecs de possibles chercheurs, indépendants ou non, seule façon de faire évoluer ce travail, puisque tout en ce domaine reste à faire.
L'avenir dira si cette démarche est illusoire, ou féconde.

Hervé Poidevin.
Partager cet article
Repost0